Mi padre es una mierda. Están ahí aclamándolo, felicitándolo, bravo señor, qué sangre fría, casi a punto de decir mi dios mi dios, pero yo, yo sé que es solo un gran cabrón. Lo vi correr hacia el agua, sumergirse, traer a la niña hacia la orilla y ejecutar los gestos de primeros auxilios, lo vi hacerle el boca a boca y el masaje cardíaco, pero eso no cambia nada. Yo sé quién es. Ya está, ella vuelve en sí ahora, la tonta escupe agua marina, tose como una tuberculosa. Vomita, ahora. Sus padres están felices, la madre llora, el padre está aliviado incluso sin poder ocultar la vergüenza de no haber salvado él mismo a su hija, repite en bucle “sin usted, sin usted” y yo, yo te digo mi amigo, sin él mi vida sería una fiesta, sin él sería la primera de la clase, primera en danza acuática, primera en alegría y despreocupación. Ese tipo pasa su tiempo salvando vidas y arruinando la mía. Esas son sus dos misiones en la tierra. Yo no sé en cuál pone su máximo esfuerzo para llevar a cabo. Señor “humanitario”, señor “médicos del mundo”, señor “amnistía internacional”. Señor asqueroso de mierda. Y la señora hipócrita de mierda. A su lado. Con su gesto conmovido y su mirada húmeda de perrito basset. Como si ella no supiera, ella, quién es verdaderamente su marido.
—Loulou, anda a buscar mi teléfono, voy a sacar una foto de papá.
—Anda búscalo tú misma.
—Siempre tan amable. Incluso de vacaciones, en una playa paradisíaca...
—Eh, sí, incluso al lado de una casi ahogada, tienes razón.
Ella no me escucha. ¿Para qué? Chequea en su bolsa Lancel en búsqueda de su teléfono que acaba por encontrar luego de haber tirado crema solar, billetera y funda de gafas. Va a fotografiar a su marido que posa ahora con la pequeña aún completamente aturdida en sus brazos como si fuera un trofeo de pesca. ¿Qué es lo que piensa hacer con esa foto? ¿Colgarla en la cuenta de Instagram para mostrar cómo su marido, incluso de vacaciones, no cesa de ser el héroe que la nación conoce? Yo aprovecho para robarle 50 euros de su billetera mientras mi valiente papá rechaza de manera tajante las retribuciones que la familia de la atontada le propone...
Yo sé que él se aprovechará de lo sucedido de una forma o de otra. Ese señor es un excelente jugador y sabe que puede ganar más sin precipitar las cosas.
Por ejemplo, la madre de la niña... Ella no pide más que entregarse al gran salvador.
Mi padre bromea. Se le ocurre una buena salida:
—Ahora mismo, si usted desea recompensarme, darnos el gusto a mí y a mi familia, a mi hija Loulou...
Señala al vendedor de donas que tira de su pequeño remolque sobre la arena mojada:
—Va a costarle caro. Va a costarle caro en donas para nuestras hijas. La suya, la mía, ellas necesitan bastante dulce para digerir todo esto.
Cinco minutos más tarde, tenemos los dedos y dientes llenos de crema. La vida retoma su curso porque podemos de nuevo tragar. La salvada engulle sus cacahuates a una velocidad de locos. ¡Faltaría solo que se atore de nuevo y que mi padre deba salvarla una segunda vez! Mamá empieza a mirar a la otra mujer de forma chistosa. El mar vuelve a la escena. Harta de ver siempre la misma película en donde gente (que no quiere compadecerse a sí misma) es engañada por tipos como mi padre.
Me pongo los cascos para no escucharlos más. Mi padre gesticula y la madre de la ex ahogada, disforzada, se carcajea como sí nada hubiera sucedido, como si su querida hija no hubiera estado a punto de palmarla hace unos minutos. Él tiene ese don, el de crear ambientes, hacer tambalear el escenario, captar miradas. Todas las miradas. Incluso el otro macho está alegre. Sobrepasado por sus emociones. Yo puedo decirle ya cómo terminará su jornada. No sé dará cuenta de nada. La otra es buena también. Mamá, que conoce de memoria todo eso, se va a nadar. Hace esfuerzos por verse bien en público. Es un acuerdo entre ellos. Ella sonríe, participa del show, representa el papel de la mujer colmada y él le hace el giro mensual a su cuenta bancaria. Es todo, nada más simple que eso. ¿Cuánto vale la foto del rescate posteada en directo en Instagram y Twitter? ¿Tal vez un pequeño bonus para sus próximos Louboutin? Hacen de pareja y nadie se queja. Padres en lino. Militantes de pacotilla. Antes dispararme que trabajar un día en el sector humanitario. Harta de coloquios internacionales, de viajes alrededor del mundo, de playas paradisíacas...
Padres perfectamente bilingües, trilingües... En mis cascos, malas palabras en inglés. Buen rap del duro. La pregunta que me gustaría ponerles es cuál, ¿cuál es la diferencia entre “beach” y “bitch”, en lo que respecta a la pronunciación? ¿Cómo se dice “hoy voy a interpretar el papel de la perra” o “la perra está llena de niños que se ahogan al mediodía” o “mamá regresa al lado de la perra después de nadar”?
Siento más y más calor. Ardo por dentro y por fuera... Llamen eso como quieran, “insolación”, “mal viaje”...
Mi madre se nos une después de haber repetido algunos movimientos de crol. Ella me hace un gesto para que me quite los audífonos y decirme que estoy “roja”. De niña “tomaba colores”. Ahora, aparentemente, solo pillo uno.
Yo corro hacia el agua, mis cascos aún en las orejas.
Clap Clap
Mon père est une pourriture. Ils sont là à l’acclamer, à le féliciter, bravo monsieur, quel sang-froid, on était à deux doigts de, mon dieu mon dieu, mais moi, je sais, c’est juste une grosse enflure. Je l’ai vu courir dans l’eau, je l’ai vu plonger, je l’ai vu ramener la gamine sur le bord de la plage et exécuter les gestes de premiers secours, je l’ai vu faire le bouche à bouche et le massage cardiaque mais ça ne change rien. Je sais qui il est. Ça y est, elle revient à elle, la débile, elle recrache l’eau de mer, elle tousse comme une dératée. Elle vomit, maintenant. Ses parents sont heureux, la mère pleure, le père est soulagé même si piteux de pas avoir sauvé lui-même sa fille, il répète en boucle « sans vous, sans vous » et moi, je te dis mon pote, sans lui ma vie serait une fête, sans lui, je serais première de la classe, première en danse aquatique, première en joie et insouciance. Ce mec passe son temps à sauver des vies et à bousiller la mienne. Ce sont ses deux missions sur terre. Je ne sais pas laquelle il met le plus de cœur à accomplir. Monsieur « humanitaire », monsieur « médecin du monde », monsieur « Amnesty international ». Monsieur sale dégueulasse. Et Madame sale hypocrite. À côté. Avec son air attendri et son regard mouillé de basset. Comme si elle ne savait pas, elle, ce que c’est vraiment que son mari.
- Loulou, va chercher mon téléphone, je vais prendre une photo de papa.
- Va le chercher toi-même.
- Toujours aussi aimable. Même en vacances, sur une plage paradisiaque...
- Ouais, même à côté d’une presque noyée, t’as raison.
Elle ne m’écoute pas. Pour quoi faire ? Elle fouille dans son cabas Lancel à la recherche de son portable, qu’elle finit par trouver après en avoir éjecté crème solaire, portefeuille et étui à lunettes. Elle va photographier son mari qui pose maintenant avec la petite encore complètement sonnée dans ses bras comme si c’était un trophée de pêche. Qu’est-ce qu’elle compte faire de cette photo ? La mettre sur le compte Instagram du salaud afin de montrer combien même pendant ses vacances son mari ne cesse pas d’être le héros que la nation connaît ? J’en profite pour piquer cinquante euros dans son portefeuille pendant que mon brave papa refuse tout net les rétributions que la famille de la choquée lui propose…
Je sais qu’il en profitera, d’une façon ou d’une autre. Monsieur est un sacré joueur, il sait qu’il peut gagner plus en ne précipitant rien.
Par exemple, la mère de la gamine… Elle ne demande que ça, de se donner au grand sauveteur.
Mon père rigole. Il s’apprête à en sortir une bien bonne :
- Dans l’immédiat, si vous voulez me récompenser, nous faire plaisir à moi et à ma famille, à ma fille Loulou…
Il montre le vendeur de donuts qui tire sa petite remorque sur le sable mouillé :
- Ça va vous coûter cher. Ça va vous coûter cher en chouchous pour nos filles. La vôtre, la mienne, elles ont bien besoin de sucré pour faire passer tout ça.
Cinq minutes plus tard, nous en avons tous plein les doigts et les dents. La vie reprend ses droits puisqu’on peut à nouveau se bafrer. La gamine réchappée avale ses cacahouètes à une vitesse dingue. Manquerait plus qu’elle s’étouffe et que mon père doive la sauver une seconde fois ! Maman commence à regarder l’autre femme d’une drôle de façon. La mer radote. Marre de voir toujours le même film où des gens (qu’on n’a pas envie de plaindre) se font rouler par des types comme mon père.
Je mets mon casque pour ne plus les entendre. Mon père gesticule et la mère de l’ex-noyée glousse comme si rien n’avait eu lieu, comme si sa fille chérie n’avait pas failli y passer quelques minutes auparavant. Il a ce don-là, créer des ambiances, faire bouger le décor, capter les regards. Tous les regards. Même l’autre mâle est hilare. Il n’est pas au bout de ses émotions. Je peux déjà lui dire comment va se terminer sa journée. Mais il n’y verra certainement que du feu. L’Autre est très fort pour ça aussi. Maman qui connait tout ça par cœur va nager. Elle fait des efforts pour faire bonne figure en public. C’est un marché entre eux. Elle sourit, elle participe à la com’, elle joue la femme comblée et il fait le virement mensuel sur le compte en banque. Voilà, c’est aussi simple que ça. Combien vaut la photo du sauvetage postée en direct sur Instagram et Twitter ? Peut-être un petit bonus pour ses prochaines Louboutin ? Ils font la paire et personne n’est à plaindre. Des parents en chiffon. Des militants de pacotille. Plutôt me flinguer que de bosser un jour dans l’humanitaire. Ras le bol des colloques à l'international, des voyages autour du monde, des plages paradisiaques…
Des parents parfaitement bilingues, trilingues… Dans mon casque, des gros mots en anglais. Du bon rap bien lourd. La question que je voudrais leur poser : c’est quoi, la différence entre « beach » et « bitch », au niveau de la prononciation ? Comment dit-on « aujourd’hui, je vais jouer sur la salope » ou « la salope est pleine de gamins qui se noient l’après-midi » ou « maman regagne la salope à la nage » ?
J’ai de plus en plus chaud. Ça brûle à l’intérieur, à l’extérieur… Appelez-ça comme vous voulez, « insolation », « mauvais trip »…
Ma mère nous rejoint après avoir enchaîné quelques mouvements de crawl. Elle me fait signe d’enlever mes écouteurs pour me dire que je suis « rouge ». Plus petite, « j’attrapais des couleurs ». Maintenant, apparemment, je n’en chope plus qu’une. Je cours vers l’eau, mon casque encore sur les oreilles.
*Traducción del francés de LM Hermoza
Judith Wiart
[Le Havre, 1970] Radica en Lyon desde hace 35 años. Entre sus títulos publicados destacan Ping-pong, texte & photo (2020), coescrita con la artista y escritora Judith Lesur, Le jour où la dernière Clodette est morte (Le Clos-Jouve, 2020). Les Gens ne se rendent pas compte será publicado por Le Clos-Jouve en enero 2022.
Blog: La Mare Rouge
Frédérick Houdaer
[París, 1969] Reside en Lyon desde hace una treintena años. Ha publicado diecisiete títulos (incluidas varias novelas, nueve colecciones de poemas y un ensayo dedicado al poeta Tristan Corbière). Sus últimos títulos publicados son Armaguedon Strip [narrativa], (Ediciones Le Dilettante) y Anges Profanes [poesía], (Ediciones La Passe du Vent).
Blog: Branloire Pérenne
LM Hermoza
[Trujillo, Perú] Es licenciado en Filología Románica, Máster en Letras y Máster en E-learning. Ha vivido en Perú, en España y Francia. Lideró la Agrupación cornelista: por un planeta sin humanos, con la que publicó fanzines y realizó recitales y performances en Barcelona y París. Dirigió la revista de literatura La Siega. Co-dirigió 2+. Formó parte del consejo de redacción de la revista Paralelo Sur. Ha publicado, en poesía, La trilogía del signo (2021), que reúne sus tres libros de poesía aparecidos en ediciones ultralimitadas en Londres, Ciudad de México, Lima y Mánchester. En narrativa, ha publicado la novela La madre rata (2020), cuya versión preliminar quedó finalista en dos concursos.
Actualmente, en el OJO izquierdo de esta revista.
Web personal: lmhermoza.net.